Repères historiques

Déjà au IXe siècle, existait probablement à cet endroit une chapelle dédiée à Saint Michel.
Au XIe siècle elle fut remplacée par une église romane qui prit en 1047 le nom de “collégiale’. Les reliques de Sainte Gudule y furent transportées: l’ église prit alors le nom de “Collégiale de St Michel et Ste Gudule”.
En février 1962, elle prit le titre de” Cathédrale St-Michel” pour être promue avec la cathédrale St Rombaut à Malines, “siège de l’archevêque de Malines-Bruxelles”.
La construction de l’église actuelle, de style gothique brabançon, débute par le choeur en 1226; la nef et le transept sont des XIVe et XVe siècles.
La façade, de style français, est surmontée de deux tours, supposées être l’oeuvre de Jan van Ruysbroeck.
A voir: Vitraux (XVIe s.), confessionnaux (XVIe s.), chaire de vérité (XVIIe s.), carillon (1975).

La Cathédrale a été complètement restaurée de 1982 à 1999. A cette occasion, on découvrit les vestiges de l’ église romane ainsi que la crypte romane située sous le choeur actuel.
Aujourd’hui encore, ce lieu de prière reste l’écho des manifestations de la vie nationale, sociale, religieuse et culturelle de la ville et du pays.

Saint-Michel est également le lieu privilégié des rencontres oecuméniques et accueille aussi des spectacles artistiques.

Vue d’ensemble

La construction de la cathédrale St Michel et Gudule, (anciennement collégiale des S.S. Michel et Gudule) fut entreprise au début du 13e Siècle sous l’impulsion de Henri 1er, duc de Brabant. Cette époque coïncide avec l’apparition du style gothique dans nos régions. Presque 300 ans furent nécessaires pour mener à son terme cette gigantesque entreprise qui fût achevée sous le règne de l’empereur Charles-Quint. Son architecture présente les différentes caractéristiques du gothique brabançon.

La restauration de la nef – qui a duré de 1983 à 1989 – a rendu aux pierres et aux voûtes, de même qu’aux vitraux, leur splendeur d’antan.

Elle a également permis de mettre à jour des vestiges importants et remarquablement conservés de l’église romane du 11e siècle sur laquelle est édifiée le bâtiment gothique actuel (visite possible de ces vestiges).

La restauration de la Cathédrale, menée dans des conditions parfois difficiles mais toujours avec le.souci de respecter l’esprit de ceux qui l’ont édifiée, lui a rendu un lustre dont elle peut s’enorgueillir et qui la place dans les premiers rangs du patrimoine religieux artistique européen.

Dans les vestiges de l’église romane visibles en sous-sol, un plan terrier vous indique les différentes, périodes de construction de I’édifice.

(L’accès à ces vestiges se fait par un escalier situé au début de la nef latérale gauche)

Nef

Statues des apôtres (photo) aux colonnes, oeuvres de style baroque du 17e siècle, réalisées par les grands sculpteurs brabançons de l’époque, Jérôme Duquesnoy fils, Luc Faid’herbe, Tobie de Lelis pour “remeubler” la collégiale saccagée par les iconoclastes au 16e siècle et mettre l’accent sur l’origine apostolique de l’Eglise.,
Chapiteaux des colonnes (photo) décorés de feuilles de choux frisés reliées par des rubans en diagonales de caractère typique brabançon,
Triforium (photo) aux délicates arcatures trilobées.
Clés de voûte: polychromie originelle retrouvée grâce à la restauration.
Chaire de vérité: sculptée par H.F.Verbruggen en 1699 (style baroque): elle représente la chute d’Adam et Eve et la Rédemption symbolisée par la Vierge (telle que l’a décrite saint Jean dans son Apocalypse: debout sur un croissant de lune, la tête couronnée de douze étoiles) et l’Enfant transperçant la tête du serpent avec une lance.
Grand orgue de Gerhard Grenzing (photo) en nid d’hirondelle (inauguré en octobre 2000)

Bas-côtés

Vitraux (photo 1, photo 2) de J. B. Capronnier (19e siècle).
Confessionnaux en chêne (photo) de Jean Van Delen (18e siècle).
Sur l’autel de la dernière chapelle côté nord : statue de Marie avec l’ Enfant, en bois polychromé d’origine inconnueet à caractère plus ou moins oriental.

Croisée du transept

Maître-autel en pierre réalisé par Michel Smolders et consacré en juin 2000.(lire détails en fin de ce texte)
sur la colonne gauche : Christ en ascension en cuivre battu (1968) de Camille Colruyt.
En tournant le dos à l’autel, on découvre au-dessus du porche d’entrée le vitrail du Jugement dernier (1528), d’esprit Renaissance par sa monumentalité et. l’animation de ses personnages. (auteurs inconnus). Il a été offert par Erard de la Marck, prince-évêque de Liège.

Transept nord

Vitrail de Jean Haeck (maître verrier anversois) réalisé en 1537 d’après les dessins de Bernard Van Orley, peintre bruxellois du 16e s. qui introduit les premiers éléments de la Renaissance dans nos provinces.
Il représente Charles-Quint et son épouse Isabelle de Portugal en adoration devant le St-Sacrement et accompagnés de Charlemagne et Ste Elisabeth de Hongrie.

A droite du portail

statue toute en élégance et en tendresse “L’éducation de la Vierge par Ste Anne” de Jérôme Duquesnoy fils (I7e s.) d’après un tableau de Rubens.

Transept sud

Vitrail de Jean Haeck (dessin de B. Van Orley) réalisé en 1538 – représente Louis Il de Hongrie et son épouse Marie de Hongrie, soeur de Charles-Quint, agenouillés devant une Trinité verticale, avec St Louis et une Vierge à L’Enfant.
Sur le mur: Cruciflxion de Michel Coxie (1499-1592) peintre bruxellois attaché à la Cathédrale.

Du transept sud, on peut admirer la chapelle dédiée à Notre-Dame. Au-dessus de l’autel, la statue N-D de la Délivrance en chêne polychrome (ateliers de Malines 1592).

On y voit également l’ autel des Pélicans, en cuivre soudé, oeuvre de Simon Lévy (1975) ( Il a également réalisé pour la Cathédrale un lutrin (dans le choeur principal) et un chandelier pascal (dans la chapelle Maes à l’arrière du choeur principal).

Le choeur

On peut admirer un choeur auquel la restauration a rendu un éclat qui n’a rien à envier à celui de la nef.
Où arrêter un premier regard?
Commençons par le côté gauche (côté nord du transept) du déambulatoire, irradié par la merveilleuse lumière qui sourd à travers les vitraux de la Chapelle du Saint Sacrement de Miracle érigée de 1534 à 1539, sous le règne de Charles-Quint, sur l’emplacement de quatre chapelles primitives.
Le gothique flamboyant triomphe dans cette chapelle avec ses hautes voûtes en résille qui ne reposent sur aucune colonne et dont les clés sont polychromes. Les murs latéraux et les colonnes en faisceaux portent des niches dont les plinthes et les dais sont chargés d’une profusion d’ornements flamboyants.
Nombre de personnages qui jouèrent un rôle politique important dans nos provinces au 17e siècle furent inhumés dans cette chapelle et de somptueux mausolées et cénotaphes en marbre rouge ou noir et blanc rappellent leur mémoire.
Par exemple, le mausolée de Pierre ROOSE (sculpteur François Langhemans), président du Conseil privé des archiducs Albert et Isabelle.
Celui de son neveu Pierre-Ferdinand ROOSE, baron de Bouchout, éminent homme politique (sculpteur Jean-Pierre van Baurscheit).
Le cénotaphe de Gérard CORSELIUS, jurisconsulte et professeur à Louvain (sculpteur André Colyns de Nole).
Le mausolée de Louis-Alexandre SCOCKAERT, comte de Tirimont, membre du Conseil d’ état (sculpteur Jean MICHIELS).

Il ne reste rien, hélas, des tombeaux des archiducs Albert et Isabelle et du Prince Charles de Lorraine, gouverneur de nos provinces: les iconoclastes sont passés par là.

Dans les vitraux Renaissance dus au maître verrier Jean HAECK, d’après les cartons du peintre bruxellois Bernard VAN ORLEY dont le bleu intense est aussi unique que celui des vitraux de la Cathédrale de Chartres, se retrouvent divers épisodes du légendaire Miracle du Saint Sacrement ainsi que les portraits des donateurs, tous membres de la famille de Charles-Quint.Pour les vitraux de van Orley voyez la splendide video: Nos Vitraux
Une plaque de bronze a été apposée en 1977 sur le mur nord de la chapelle en ? réparation à la Communauté juive de Bruxelles ? pour attester de la non-historicité de la légende.
L’autel en chêne sculpté date de 1849 et a remplacé celui de 1558.
La chapelle abrite maintenant le trésor de la cathédrale.

Tournons maintenant le regard vers le choeur proprement dit avec son chevet qui est la partie la plus ancienne de la cathédrale ( l’église gothique fut commencée en 1226).
Ici règne en maître le style romano-ogival avec des colonnes maîtresses ornées de chapiteaux à crochets ou à feuillages.
Entre chaque arc principal, deux arcs brisés aigus évoquent des pointes de lances d’où le nom de style lancéolé donné au gothique primaire.

La voûte du choeur est en tiers-point avec des clés ornées de feuillages ou de petits personnages

Le triforium d’un gothique plus évolué mais encore lourd est formé d’arcs qui n’ont ni l’ élégance ni la finesse de ceux du triforium de la nef.
En levant les yeux vers la partie haute du choeur on découvre cinq magnifiques vitraux qui reflètent l’apparition et l’évolution de la Renaissance dans les Pays-Bas.
Oeuvre de Nicolas Rombouts, maître-verrier attitré de la Cour de Marguerite d’Autriche, gouvernante de nos régions, ces vitraux furent exécutés entre 1510 et 1530.
Les personnages religieux de ces vitraux sont représentés avec des membres de la famille de Charles – Quint qui en sont les donateurs.

Dans ce choeur, les fouilles ont révélé l’existence d’une crypte – peut-être celle de Sainte Gudule ? – où subsistent les vestiges de piliers romans en pierres brunes de toute beauté, ainsi que des graffitis romans qui en font le plus vieux monument visitable de Bruxelles.

De chaque côté du maître-autel en cuivre doré de 1867, deux mausolées du 17e siècle, richement décorés, perpétuent le souvenir des ducs de Brabant (à gauche) et de l’archiduc Ernest d’Autriche (à droite), gouverneur de nos provinces avant son frère l’archiduc Albert.

En parcourant le déambulatoire du transept nord vers le transept sud, on découvre quelques statues dont celle du grand mystique flamand du 14e siècle, Jan RUUSBROECK, premier prieur de l’abbaye de Groenendael.
A mi-chemin de la courbe du déambulatoire, la chapelle baroque de la Madeleine, devenue la chapelle Maes au 17e siècle, devant laquelle montent la garde St Martin de Tours et St Benoît , et qui est fermée par une grille aux motifs décoratifs d’une finesse incroyable. Dans cette chapelle, on peut suivre sur un retable de 1538 (sculpteur Jean Mone) en marbre et en albâtre, les différents épisodes de la Passion du Christ. Il s’agit en fait du tout premier retable en pierre de nos régions. En suivant le déambulatoire vers la chapelle Notre-Dame de la Délivrance on passe devant un Saint-Sépulcre Renaissance en marbre rose et blanc et devant une statue de la Vierge dite de l’Ara Coeli, en albâtre, datant de 1645 (sculpteur Arnold Quellin le vieux) pleine de délicatesse et d’ élégance.

Enfin, sur le côté droit du choeur, dans la chapelle Notre-Dame de la Délivrance (1649-1655) les vitraux – postérieurs d’un siècle à ceux de la chapelle du Saint Sacrement – tamisent la lumière du soleil (c’est le côté sud) par un artifice des restaurateurs qui ont augmenté les grisailles des verres pour en protéger les couleurs.
Ces vitraux, dons de bienfaiteurs de la cathédrale, représentent des épisodes de la vie de la Vierge et bien sûr les portraits des donateurs. Ils sont l’ oeuvre du verrier Jean de Labaer d’après les cartons de Théodore van Thulden, élève de Rubens.
Dans cette chapelle, édifiée au 17e siècle, un imposant autel baroque de 1666 en marbre noir et . blanc (sculpteur Jean Voorspoel) est surmonté par un tableau représentant une Assomption, oeuvre de J.-B. de Champaigne.
Une autre très belle Assomption, due au peintre belge Navez, lui fait face.
Dans cette chapelle également, des mausolées érigés à la mémoire des familles nobles de notre pays: à droite de l’autel; celui du comte Ernest d’ Isembourg, donateur de l’ autel; à gauche, celui de la famille d’ Ennetières, connue pour son goût des belles lettres.
Dans le fond de la chapelle, un mausolée évoque le souvenir d’un héros de la Révolution belge de 1830 : le prince Frédéric de Mérode, que le sculpteur Guillaume Geefs a représenté au moment où il est mortellement blessé au combat. Sous les vitraux un autre monument rappelant la mémoire de Félix de Mérode membre du Congrès national, est I’ oeuvre de Fraikin.

Le nouveau dallage de la chapelle séduit par la beauté et le jeu de ses carreaux. Tandis que les sept lustres conçus dans le style de l’époque de l’archiduchesse Isabelle baignent dans une aire de lumière les merveilles à admirer.

Visites archéologiques

Déjà avant la dernière guerre, lors des travaux d’étude de la jonction Nord-Midi, la présence d’un avant-corps roman (Westbau) a été décelée .

Mais quel ne fut pas le bonheur des archéologues de découvrir, lors de la dernière campagne de restauration, la fondation complète d’un Westbau et d’une église romane précédant la cathédrale gothique actuelle,.

Les fouilles archéologiques ont été tellement fructueuses que l’on n’hésita pas à construire une dalle en béton avec 2 escaliers d’accès au dessus du Westbau et de créer 5 chambres de visites, couvertes par des dalles de glace épaisses pour permettre aux visiteurs d’admirer les fouilles et recherches archéologiques qui ont été entreprises par les:

Société Royale d’Archéologie de Bruxelles
Vereniging voor Brusselse Geschiedenis
Service National des Fouilles
Les découvertes ont consisté en:

vestiges d’une église romane du Xème siècle;
sa nef centrale et ses 2 nefs latérales,
son transept.
le Westbau des environs de 1200.
Pour permettre aux visiteurs de mieux se rendre compte de l’emplacement de cette ancienne église, les traces des murs extérieurs du transept et des piliers de la nef centrale, ainsi que du Westbau et de ses tours ont été matérialisées sur le sol de l’église gothique actuelle, par un dallage plus clair, consistant en pierres blanches de Vinalmont. Le restant du dallage de la cathédrale est en dalles grises provenant de Tournai.

Les traces de cette église romane du Xème siècle montrent:

au transept, la construction sur des ossements, indice d’un cimetière antérieur à cette église
l’appareillage sommaire des murs extérieurs et des piliers de la nef.
Le Westbau a été ajouté vers les années 1200, au mur ouest de l’église romane. Il est intéressant de noter l’amélioration de l’appareillage de la maçonnerie. Les pierres utilisées pour les maçonneries calcaires proviennent de carrières des environs de Bruxelles.

Le dallage de l’église romane se trouvait 1,70 m plus bas que le niveau de l’église gothique actuelle

Les fondations du Westbau montrent clairement les tours, leurs accès (avec la présence à gauche d’un gond de porte), le sol qui servit de préparation de la chaux pour la construction de l’église gothique. Notons la présence de deux tombes ultérieures en briques.

Dans Ie fond, des miroirs permettent d’admirer la fondation d’un pilier de la nef centrale et les bases de piliers de la nef avant la construction du Westbau.

La circulation des visiteurs se fait sous le niveau du sol de la Cathédrale actuelle, dans l’épaisseur du mur ouest du Westbau. On a également découvert des traces de fresques.

Le nouvel orgue Grenzing

Les nouvelles grandes orgues de la Cathédrale sont impressionnantes par leur qualité et leur beauté. Leur emplacement “en nid d’hirondelle” peut surprendre. Cette configuration répond aux exigences de l’acoustique particulière d’un monument gothique et nous relie à la grande tradition, trop peu connue, des facteurs d’orgues de nos régions. On la retrouve dans d’autres cathédrales gothiques comme Chartres, Cologne ou Strasbourg.

L’instrument comprend 4.300 tuyaux, 63 jeux, 4 claviers et un pédalier. Au milieu, sous les trompettes en chamade, la console de l’organiste est suffisamment spacieuse pour accueillir des solistes. La facture de cet instrument permet d’y interpréter tous les genres de compositions musicales de l’orgue, de l’ancien au moderne.

Sa décoration s’intègre harmonieusement dans le cadre architectural de l’édifice par son rappel d’éléments gothiques.

Ce très bel instrument est dû au génie et à l’audace du facteur d’orgues allemand, Gerhard Grenzing, établi à Barcelone, qui a pu bénéficier de la collaboration de l’architecte anglais Simon Platt.

L’orgue de chœur de Patrick Collon

L’orgue de chœur de Patrick Collon a été inauguré en 1977 par son titulaire de l’époque, Jozef Sluys. L’instrument est doté de deux claviers et un pédalier. Sa disposition et sa composition de 28 registres s’inspirent des orgues construits par le facteur d’orgue saxon Gottfried Silbermann (1683-1753).

Le nouveau Maître-Autel de Michel Smolders

Ce nouveau maître-autel, placé à la croisée du transept, a clôturé les travaux de restauration de la Cathédrale. Il a été consacré par le Cardinal Danneels le jour de l’Ascension, le 1er juin 2000.

Plus qu’un très bel objet et plus qu’une oeuvre d’art, l’autel est un mystère – une présence. En effet, il nous conduit aussi près que possible du mystère de la personne et de l’oeuvre du Christ. Il est la table du sacrifice: il rappelle à la fois la Cène et la croix. Il est la table du repas eucharistique du Seigneur à laquelle Il convie son peuple et annonce le festin des noces éternelles.

L’autel de pierre est dû au sculpteur Michel Smolders, qui l’a taillé dans une pierre provenant de la carrière des Avins, à l’est de Huy. Ce monolithe de trois tonnes est constitué de petit granit, une matière très spéciale qui est grise et blanche quand elle est travaillée, mais noire quand elle est polie. Ses côtés travaillés permettent donc des modulations dans le dessin, alors que sa surface polie est d’un beau noir marqué aux quatre coins et en son centre par les croix de sa consécration. Sa composition à dominante horizontale s’inspire du symbole roman de l’arbre dont une partie est dirigée vers le haut et l’autre partie vers le bas. Dans l’arbre symbolique, la terre et le ciel se joignent.

Le Saint-Sacrement de Miracle

“En 1370, la communauté juive de Bruxelles a été accusée de profanation du Saint-Sacrement et punie pour ce motif. Le Vendredi Saint 1370, à la synagogue, des Juifs auraient transpercé de poignards des hosties dérobées dans une chapelle. Du sang aurait coulé de ces hosties.

En 1968, dans l’esprit du Concile Vatican II,  les autorités diocésaines de l’archevêché de Malines-Bruxelles, après avoir pris connaissance des recherches historiques sur le sujet, ont attiré l’attention sur le caractère tendancieux des accusations et sur la présentation légendaire du miracle”.

Plaque commémorative inaugurée en 1977 par le cardinal L.J. Suenens dans l’ancienne chapelle du St. Sacrement, aujourd’hui Musée du Trésor.

Le texte se réfère au prétendu miracle du Saint-Sacrement qui fut vénéré dans cette chapelle jusqu’aux premières années après la seconde guerre mondiale. En 1370, selon la légende, des Juifs auraient transpercé des hosties avec leurs poignards dans la synagogue de Bruxelles. Du sang aurait coulé de ces hosties. Le reste de ces hosties profanées fut vénéré pendant des siècles comme le Saint-Sacrement de Miracle.

Le seul fait établi est qu’en mai 1370, six Juifs, habitant Bruxelles et Louvain, furent accusés de vol et de profanation d’hosties consacrées et condamnés au bûcher. On sait que les biens des Juifs furent confisqués et que, dès le début, on croyait au miracle des hosties sanglantes. Plus tard, aux 17e et 18e siècles, on affirmait que les Juifs avaient été bannis du duché de Brabant en 1370. La culpabilité des Juifs ne fut jamais établie.

Bien au contraire, ni le vol, ni le fait de la profanation ne sont prouvés. Il y a des indices que l’accusation devait servir uniquement à légitimer un prétendu miracle eucharistique. On affirmait que des hosties, sur lesquelles on remarquait des taches rouges, probablement causées par une bactérie, avaient été profanées par des Juifs. Les traces de sang s’écoulant des hosties étaient interprétées comme étant le sang du Christ. Des accusations de ce genre ayant trait aux miracles eucharistiques se rencontrent régulièrement au Moyen Age, surtout après le Concile du Latran (1215), proclamant le dogme de la transsubstantiation, ou présence réelle du Christ dans le Saint Sacrement. Le miracle servait donc à faire comprendre aux simples fidèles la doctrine catholique de la transsubstantiation, – la transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ, – par des preuves matérielles et visibles. L’accusation des Juifs rendait le miracle digne de foi et celui-ci devait confirmer le dogme.

La légende du Saint-Sacrement de Miracle est représentée dans plusieurs oeuvres d’art de la Cathédrale. Il faut mentionner en particulier les vitraux du 16e siècle dans le musée du Trésor (où sont exposés des reliquaires du Saint-Sacrement de différentes périodes), les tapisseries du choeur datant du 18e siècle (non exposées), ainsi que la série impressionnante des quinze vitraux du 19e siècle dans les nefs collatérales, réalisés par Jean-Baptiste Capronnier. Ils furent créés en 1870, en vue de la célébration du cinquième centenaire du Sacrement de Miracle. Les dix premiers vitraux, huit dans la nef sud, et deux dans le fond de la nef nord, représentent la légende telle qu’elle était transmise à Bruxelles depuis la moitié du 15e siècle. Prenons connaissance du récit en regardant cette série de vitraux, en commençant par les vitraux à l’avant de la nef sud. En automne 1369, un Juif notable d’Enghien du nom de Jonathas propose à un Juif converti au christianisme, Jean de Louvain habitant Bruxelles, de voler pour lui des hosties dans l’intention de les profaner (vitraux 1 & 2). Peu de temps après, Jonathas est assassiné (vitrail 3). La veuve de Jonathas et son fils, terrifiés, quittent leur maison et se réfugient chez les Juifs de Bruxelles auxquels ils remettent les hosties volées (vitrail 4). Le jour du Vendredi Saint 1370, les Juifs, réunis dans leur synagogue, répandent les hosties sur une table et les transpercent haineusement avec leurs poignards. La profanation est immédiatement suivie du miracle: du sang s’écoule des hosties et frappe les Juifs d’épouvante (vitrail 5). Les Juifs auraient alors soudoyé une Juive devenue chrétienne, une certaine Catherine, pour qu’elle aille cacher ces hosties chez des Juifs de Cologne, contre une récompense de 20 moutons d’or (vitrail 6). Catherine, avertie en songe de refuser cette mission, renonce à partir pour Cologne et se rend chez son curé, en charge de Notre-Dame de la Chapelle. Elle lui dévoile les faits et lui remet les onze hosties miraculeuses que le curé dépose dans le tabernacle de l’église (vitrail 7). Il est décidé de faire comparaître Catherine devant la justice civile. Le Duc Wenceslas de Brabant et la duchesse Jeanne l’interrogent eux-mêmes (vitrail 8). Après la déposition de Catherine, les Juifs sont arrêtés, jugés par le duc de Brabant et exécutés en public (vitrail 9) . Plus tard, les hosties sont transférées à la collégiale Sainte-Gudule (vitrail 10). Les cinq derniers vitraux de la nef latérale gauche évoquent le culte du Sacrement de Miracle d’environ 1436 à 1870.

La relique du Sacrement du Miracle a joué un rôle important comme symbole national dans l’identité catholique du pays. Le miracle des hosties sanglantes était utilisé contre les Juifs, mais aussi contre les protestants, comme preuves de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, et aussi contre les libéraux. Les vitraux du 16e siècle ornant la chapelle du Saint-Sacrement furent offerts par l’empereur Charles Quint et la famille des Habsbourg. La vénération des archiducs Albert et Isabelle pour le Sacrement de Miracle fut intense en la première moitié du 17e siècle. Ils firent don à la chapelle de riches cadeaux, et furent enterrés devant l’autel du Saint Sacrement. Les premiers rois des Belges, Léopold Ier et Léopold II, furent les donateurs des deux premiers vitraux, installés à l’avant de la nef latérale sud. Les autres vitraux furent offerts par des familles nobles.

Après 1870, la relique a perdu quasiment toute importance comme symbole national. Mais la dévotion locale au Saint-Sacrement de Miracle persista jusqu’à la deuxième guerre mondiale. De plus, les vitraux, peintures et tapisseries contribuèrent à garder vivante l’histoire de la légende de la profanation des hosties. C’est seulement après la tragédie de l’Holocauste, et sous l’influence d’une mentalité plus éclairée, que fut enfin adoptée dans le milieu catholique une attitude critique envers la légende anti-juive du Moyen Age.

Pour une approche critique de la légende, cfr: Luc DEQUEKER, ‘Le sacrement de Miracle. Notice historique’, Anne VAN YPERSELE DE STRIHOU, Le trésor de la Cathédrale des Saints Michel et Gudule, Bruxelles 2000, pp.13-19. Luc Dequeker, Het Sacrament van Mirakel. Jodenhaat in de Middeleeuwen, Davidsfonds, Leuven, 2000.

Le texte de la “Déclaration de la Commission Nationale Catholique pour les relations avec le monde Juif” est disponible sur demande.